MAMIE PAULETTE (VAUTRIN) 1946-1956
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Assif n'Imini remercie pour ces photos envoyée par Mamie Paulette. Ici, il s'agit de la cantine et des maisons construites de 1947 à 1949. La végétation est encore inexistante.
Assif n’Imini : Bonjour Mamie Paulette, on vous appelle ainsi aujourd’hui parce que vous êtes l’une des doyennes d’Imini. Mais à Boutazoult vous étiez connue sous le nom de Paulette Vautrin. Comment êtes-vous arrivée à Imini en 1946?
Mamie Paulette : Je suis une ancienne de Boutazoult , arrivée en 1946 avec mon mari (ancien des goums) et notre fils de 1 mois appelé Dédé. J’avais 24 ans. Je suis originaire de St Germain du Bois en Bresse Louhaniaise, où je suis née. En fait je suis arrivée au Maroc en 1941 en passant par Oran, car à cette époque, sous-marins oblige, il n’était pas prudent de passer par le détroit de Gibraltar. Nous avons vécu d’abord à Sefrou, entre Fez et Azrou, ensuite à Aïn Leuh, à nouveau à Sefrou, puis Anoul Saka.
Nous voilà donc en 1946 en route vers la mine d’Imini. Nous faisons étape à Marrakech, cette si jolie ville qu’on nous avait racontée ; mais voilà toutes les belles choses ont une fin et après trois jours magnifiques dans la Ville rouge nous partons pour Imini.
Le départ fut fait de nuit, dans un petit camion avec notre déménagement et nos meubles (de style Louis Caisse). Je ne saurais pas dire combien d’heures le voyage a duré, c’était très long. À l’arrivée au bureau d’Imini, je ne voulais plus aller plus loin. Je serais bien repartie avec le même camion, mais je n’avais pas le choix. Il fallait aller jusqu’au bout à Boutazoult.
Assif n’Imini : D’après les documents de la SACEM la mine n’a vraiment repris qu’en 1947, vous étiez donc présente avant la vraie reprise. Comment était Boutazoult en 1946 ?
Mamie Paulette : Oui, nous étions très peu nombreux en 1946, seulement 5 maisons, quatre habitants et nous. Un ingénieur et sa femme dont j’ai oublié le nom sont partis peu de temps après notre arrivée. Deux mineurs de métier : MM REGGIANI et BASSO travaillaient à la galerie 6. Ils étaient assistés de cinq prisonniers allemands dont deux sont restés après leur libération : Arthur LIEPSKI et RICHTER.
Un peu plus tard un infirmier est venu avec sa femme, mais ils ne sont pas restés longtemps. Même la fête de Sainte-Barbe ne se faisait pas sur place, puisque le 4 décembre 1946 elle eut lieu à Amerzgane.
Assif n’Imini : Qu’est ce qui expliquait ces départs de l’ingénieur et de l’infirmier ? La vie quotidienne était-elle rude ?
Mamie Paulette : La vie quotidienne était difficile. Nous n’avions de l’électricité que le soir pendant trois heures seulement après la tombée de la nuit. La cuisine ne pouvait se faire que sur des cuisinières à charbon de bois.
Seul le directeur avait une voiture, cela était problématique la nuit, en cas de difficulté, par exemple pour joindre un docteur. La nuit, il n’y avait personne au bureau ce qui ne permettait pas de contacter Sainte-Barbe.
Assif n’Imini : Comment vous approvisionnez-vous pour la nourriture ?
Mamie Paulette : Le pain venait de Marrakech par le car, il était déposé à la conciergerie au bord de la route, puis récupéré par un jeune homme qui le portait à pied jusqu’à Boutazoult. Sinon le ravitaillement se faisait en camionnette à Ouarzazate de temps en temps chez DIMITRI, LINARES, TONIO. Chaque samedi, il y avait une distribution de viandes (une vache était sacrifiée chaque semaine). Au début, il y avait aussi des distributions d’huile et de pommes de terre. Le lait pour bébé était rationné (13 boîtes par mois de lait sucré Nestlé) aussi mon mari avait acheté une vache locale, mais il l’a vite revendue car elle produisait à peine un demi-litre par jour.
Assif n’Imini : Quand la vie à Boutazoult s’est-elle améliorée ?
Mamie Paulette : Après quelques mois des personnes qui sont devenus des amis, nous ont rejoint. Le moral était meilleur.
Je suis restée une année entière avant de m’échapper pour revoir Marrakech avec mon mari. Mon bébé qui n’avait qu’un an était resté à Imini, chez des amis anciens des goums, qui nous y avaient rejoints mais n’y sont pas restés longtemps.
Puis l’infirmier El Ghazi est arrivé avec Mimouna. De nouvelles constructions ont vu le jour. Mon mari a fait construire un petit four, ce qui nous a permis ( miracle ! ) de faire notre pain. Cependant la cantine n’existait pas encore et j'ai reçu à ma table : TOURNIER "venu voir l'avancement des travaux", POGUENNEC "avant l'arrivée de son déménagement" et 3 stagiaires qui ne pouvaient pas retourner à Sainte Barbe le midi. J'étais la seule à pouvoir le faire, je n’avais pas vraiment le choix.
Quelques mois plus tard la cantine fonctionnait, sans encore l’épicerie et la salle des fêtes. D’ailleurs, si je me souviens bien, le repas de Sainte-Barbe eut lieu à la cantine en décembre 1947. Madame LAUZE, très bonne cuisinière, avait fait d’excellents et beaux gâteaux.
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La cantine en 1948, rien n'est encore construit autour.
Assif n’Imini : C’est donc en 1948 que Boutazoult commence à s’animer et que le village est mieux équipé. Vous faîtes aussi un voyage en France. Quels sont les nouveaux arrivants en 1948?
Mamie Paulette : En 1948, avec ma famille nous venons habiter face à la cantine. Il y a un peu plus d'animation: AZAM et GEORGE arrivent ,de même que POGUENNEC et DECAILLOZ. TEYSSIER, l’infirmier et sa femme sont là fin 48 et logent un temps à la cantine, puis à Sainte Barbe en attendant que leur maison soit construite à Boutazoult proche de la notre.
En été 48, soit 7 ans après mon arrivée au Maroc je retourne en France avec mon fils (par le train Casa Paris) 3 jours et 3 nuits. Mon fils , deux ans et demi était content , il voyait des arbres et de l'eau dans l'oued. Mon mari nous a rejoint et au retour : grève. Il a fallu 8 jours d'attente pour passer par Alger (par avion), ensuite très long trajet pour rejoindre Imini et Boutazoult.
De retour a Boutazoult, la vie reprend son cours avec un peu plus d'habitants et de camions, donc un peu plus d'animation dans le village. Toujours pas de voiture et pas de docteur.
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Cette photo est légèrement postérieure à la Sainte-Barbe, il s'agit d'un goûter de Noël à la cantine.
Assif n’Imini : Vous êtes revenue à Boutazoult après 1956. Qui avez vous revu depuis ?
Mamie Paulette : C’est après la naissance de mon fils Dominique à Boutazoult en juin 55 que nous sommes partis fin 1956. Mes derniers souvenirs de Boutazoult remontaient à 1980, voyage que nous avions fait avec M. & Mme TEYSSIER. Nous avions passés quelques jours chez EL GHAZI et revus des anciens, notamment Joseline et Jean Marie DECAILLOZ. À Marrakech nous avons retrouvés LIAZID, ALLAL, le marchand de légumes et ENOUCHI qui habitait près de l’hôtel Koutoubia où nous étions descendus.
Assif n’Imini :
Merci infiniment Mamie Paulette pour tous ces souvenirs de l’époque pionnière, nous espérons que vous nous raconterez Boutazoult et Imini entre 1949 et 1956 une prochaine fois. C’est tellement important de conserver le souvenir de ceux qui ne sont plus parmi nous et de permettre aux jeunes générations de comprendre leurs racines. Nous savons que pour vous ces souvenirs vous rappellent le deuil récent de votre Dédé à 63 ans. Assif n’Imini et toute la grande famille Iminienne vous dit sa sympathie et vous remercie de continuer à renouer les liens de fraternité qui unissent tous les Iminiens.