3eme ÉPISODE DU VOYAGE DE JEAN-YVES TRAMOY
VOYAGE À IMINI - TROISIÈME ÉPISODE : BOU TAZOULT
Jean-Yves Tramoy a connu la ruche bourdonnante d'Imini il y a cinquante ans; puis a constaté sa désertification après la crise de 2005. Lors d'un récent voyage il note des signes de reprise modestes mais encourageants. Les deux premiers épisodes de ce voyage passant par Ouggoug Sainte-Barbe et par Timkkit sont parus sur ce blog le 31 mai et le 23 juin. Avec ce troisième épisode Jean-Yves nous entraîne dans Bou Tazoult.
ass="MsoNormal" style="text-align: justify;"> L'ancienne bergerie, un peu décrépite avec le temps, annonce le dernier virage à droite avant de voir les premières maisons et le borj de Bou Tazoult. Une main invisible a roulé les vieilles pierres sur le côté, à moins que la poussée sauvage des moutons et des brebis n'en ait eu raison au bout des années. Il reste ces trous noirs dans le rocher, où s'abritaient les bergers et quelques bêtes, à la recherche d'un abri quand il pleuvait ou que le froid saisissait malgré le burnous épais. Mais ces trous noirs, synonymes de secret, de mystère, impressionnaient les enfants que nous étions, apeurés à l'idée qu'une « bête » y séjournait et attendait patiemment, tapie dans l'ombre, l'arrivée de sa proie. Les « Contes et légendes » de notre enfance ont laissé une trace dans nos esprits fragiles, et dans le mien particulièrement, les « Contes et légendes de la Bretagne », c'est prémonitoire, où les korrigans, les elfes, l'Ankou (la faucheuse de la Mort) se disputaient le territoire de notre imagination.
Une touffe de roseaux bien verts dans les dernières flaques d'eau croupie adoucit le paysage, et annonce les anciens jardins situés derrière la bergerie. Mais il n'y a plus rien que la terre craquelée, sèche, grise, morcelée en carrés de jardiniers. Une odeur fugace de vase persiste, vite dissipée par une brise d'air chaud et sec, et la vue de la chapelle au loin.
Après le virage apparaît le quartier de l'école. Tout est là, rien n'a changé à première vue, aucun bâtiment ne manque à l'appel, sont-ils neufs ? De loin on le croirait. De près, à peine défraîchis. Les maisons préfabriquées à droite dans le creux de la vallée et sur les pentes proches.
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© La cour grillagée
L'école trône, trapue, dissimulée derrière son mur d'enceinte aux barbelés et son petit portail métallique . Elle est silencieuse, vidée de ses cris d'enfants, pourtant le portique et la poutre de gymnastique restent dressés au milieu de la cour. Le préau et les classes résonnent de l'écho des mouches qui volettent de ci-de-là, puisque les moustiquaires sont crevées. Dans un coin de la cour un bâtiment carré en dur, à toit plat, sur lequel quelques-uns, dont je faisais partie, se hissaient pour exciter leurs copains de classe, au grand dam des instituteurs qui avaient vite fait de rappeler les fautifs à l'ordre. Que de souvenirs en classe. Mon copain Michel ALBERTO, voisin avec qui je chahutais un peu, et que régulièrement le maître grondait et punissait. Nous étions convoqués sur l'estrade, face au tableau pour recevoir un bon coup de règle plate sur les fesses. La sensation d'un petit pincement, qui avait le mérite de réveiller les esprits et de recadrer les élèves, … gentiment. La violence n'était pas flagrante : d'ailleurs, je suis incapable de donner le nom de l'instituteur barbu. S'agit-il de Mr EUDIE ? En tout cas ce n'était pas Mr LE GOUIC, arrivé plus tard.
A cette époque, à notre échelle, on avait l'impression que l'école était vaste : en fait elle ne comportait que deux classes dans lesquelles enseignait souvent un couple d'instituteurs, se partageant les différents degrés : la maîtresse prenant les petits. Le préau abritait aussi les toilettes et les lavabos.
Aujourd'hui le bâtiment, le mur de clôture sont presque intacts, prêts à accueillir d'autres enfants après un peu de ménage et quelques mises aux normes, réinstaller les tableaux noirs, les moustiquaires, l'éclairage, … et surtout les bureaux disparus. Les eucalyptus résistent à la sècheresse, résistent aussi à la hache des chercheurs de bois. Les moignons de ces arbres repoussent inlassablement, poussent des feuilles, et donnent à nouveau de l'ombre. Chapeau , cette forme de vie qui procure un espoir à tous ceux qui passent par là ! Les anciens instituteurs reviendraient-ils avec plaisir sur les lieux où ils ont éduqué et instruit des centaines de gentilles petites « têtes blondes » ?
Je me souviens aussi de Joëlle WOJCIEKOWSKI, la vraie tête blonde, coiffée en queue de cheval. Elle habitait la maison jumelée à celle des DECAILLOZ, juste en dessous de la mienne. Joëlle, une fille gaie, agréable, naturelle, souriante avec tout le monde. Beaucoup d'autres camarades de classe fréquentent ma mémoire, des camarades de différentes périodes, de différentes classes. Tout en les confondant, je ne les oublie pas et je trie les souvenirs, parfois avec « embellissement », mais c'est sympa. Preuve qu'on conserve davantage les meilleurs souvenirs. Des noms en vrac, des noms de famille, des prénoms, il faudrait remplir un annuaire, au risque de quelques oublis néfastes. Mais j'avais une amie Marie Paule PEREZ à qui je faisais des niches à l'école, une autre Danka PAWLAK, et son frère Richard, avec lequel je jouais aux petites voitures dans le jardin, …
Tout autour de l'école il y avait des maisons d'habitation individuelles ou jumelées : toits plats, murs roses et menuiseries marron, des couleurs bien tranchées, s'illuminant au soleil couchant. Les jardins les entourant étaient protégés par un rideau de roseaux, ou quelques épineux, jardins verdoyants, jardins potagers, jardins fleuris, ombragés par des arbres fruitiers (souvent amandiers, abricotiers, figuie rs, …).
La maison des LAZARO, une famille espagnole jouxtait les classes. Ca leur permettait de vivre au rythme des heures de classe, et de ne pas partir trop tôt de chez eux le matin. Maintenant on sait qu'ils ont tous rejoint leur patrie d'origine, disséminés sur le territoire. Mr LAZARO occupait les fonctions de coiffeur à ses heures libres, en dehors de son travail.
C'est le quartier que je connaissais le moins bien, puisque j'habitais à l'opposé, sous le tennis. J'avais du mal à définir les domiciles de chaque famille, tout en le sachant à peu près, mais avec le temps et l'oubli des implantations des maisons, et surtout les déménagements successifs, le départ des anciens, l'arrivée des nouveaux … ce n'est pas maintenant que serai affirmatif. Il vaut mieux compter sur les précisions données par Jean-Marie et Joseline, nos mémoires locales, nos historiens.
De ce poste scolaire, on a déjà une vue sur la chapelle surplombant le village de toutes parts, sentinelle sur la butte, masse carrée dont le petit clocher sert de repère à toute la vallée, à l'instar du château d'eau de Bou Azzer, et du bordj. Les trois collines se faisant face en triangle, trinité pour la religion, pour la vie et pour la protection.
Sur la photo ci-dessus, on reconnaît, à droite, les maisons jumelées PAWLAK, de face la maison du docteur GORCE, et plus haut celle des AZAM sous la chapelle, dans un paysage de takaouts et de palmiers.
Des bruits se font entendre dans le vallon, derrière nous, des bruits de chocs, des cris. Nous sommes intrigués. La surprise vient de la présence d'un petit groupe d'ouvriers, vêtus de leur bleu tout neuf, qui s'affairent devant une petite descenderie.
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Les berlines, agrippées à un câble, remontent les rails en pente douce depuis un trou noir, et vont se déverser trente mètres plus loin. Renseignements pris, il s'agit de l'exploitation des petits filons restants, dont la profondeur ne dépasse pas 16 mètres : chacun des ouvriers a un objectif quotidien de production et là s'arrête sa journée.
Nous échangeons quelques mots, et ils nous expliquent leur travail et acceptent d'être photographiés. A notre grand désespoir, nous ne pouvons leur fournir les cigarettes demandées : aucun de nous ne fume, mais nous ne désespérons pas d'en trouver sur notre route, pour leur donner au retour. Nous poursuivons notre chemin par une incursion dans l'arrière quartier, heureusement que nous sommes en 4 x 4 pour franchir les rigoles tracées par les pluies et les déchets de bois accumulés çà-et-là. Nous passons devant les...
...maisons KLIMANEK, MAGUEUR, PIQUEMAL, ...
IACHELLA, LACAU, IBANEZ, en même temps celles de leurs prédécesseurs et de leurs successeurs. Renaissent ainsi les visages de familles qui ont marqué la vie iminienne : ingénieurs, contremaitres, comptables, géomètres, ...
Impossible de tout retransmettre, sous peine de publier une encyclopédie. Nous conservons quelques clichés, et sommes en mesure de les fournir sur demande, si nous les avons.
Cette visite ensoleillée de Bou Tazoult, continuera … bientôt. La vie ne s'est pas arrêtée sur le site des mines d'Imini. Les ouvriers ont repris possession de l'outil de travail, en petit nombre, mais ils sont très actifs.
D'autres surprises au prochain numéro, des vraies surprises, des bonnes surprises.