RETOUR DE JEAN-YVES TRAMOY AUX MINES DE L'IMINI EN MAI 2010
JEAN-YVES TRAMOY EST REVENU À IMINI EN MAI 2010. IL NOUS A GUIDÉ "DE L'ASSIF IMINI AUX SOURCES DU TIDILI" DANS UN RÉCIT PARU LE 31 MAI Où IL DÉCÈLE DES SIGNES DE REPRISE DE LA MINE ET DE LA VIE. NOUS PARTONS AVEC LUI DANS LA SUITE DE SON REPORTAGE DE TIMKKIT AU TERRAIN DE FOOT DE BOUTAZOULT.
La mosquée de Timkkit
Mai 2010, deuxième épisode de la visite des mines d'Imini.
Nous quittons Sainte Barbe-Ouggoug en direction de Bou Tazoult, avec un dernier coup d'oeil sur l'attirante « maison sur la colline ». On abandonne les pentes sinueuses de terre grise, qui accompagnent le cours d'un petit oued souvent à sec, pour déboucher sur Timkkit au bout d'une longue côte rectiligne, là où se mêlent le dernier village vivant et la descenderie nourricière produisant les tonnes de minerai exploitées sur place. Le soleil tape et l'ombre est rare, réfugiée sous les maigres takaouts rescapés, parasols naturels où se blotissent des noyaux de bavards.
Roseaux à l'entrée de Timkkit
Ce village n'es pas isolé du monde, puisque des anciens d'Imini ont tenu à installer une plaque commémorative au centre d'un bouquet d'arbustes nouvellement plantés. Ca et là, des hommes circulent depuis les maisons jusqu'aux commerces rassemblés en petit souk alimentaire.
Un ksar à quatre logements
Des carcasses de vieux véhicules conservés pour les pièces attendent des jours meilleurs derrière les grillages du parc de matériel : ils figurent des chiens assis, immobiles, montant la garde, côte à côte alignés. Ils vivent là résignés, sans même rouiller, conservant en eux l'espoir secret de redémarrer un jour prochain. Ils attendent patiemment la venue du mécanicien sensé les remettre en état ; leurs seules visites consistent en des ablations successives destinées à maintenir les autres véhicules en état de rouler.
Les chiens assis
La route goudronnée sert de frontière dans le face à face des maisons et petits commerces du côté droit, et les bâtiments miniers du côté gauche.
Poursuivre le chemin oblige inéluctablement à traverser les dunes poisseuses de minerai étendues par le vent, en un tapis épais ressemblant à des bancs de sables mouvants. On craint d'y rester englué comme dans le gué de Sainte Barbe, inondé d'un flux sale.
Les dunes de minerai
La palette de contraste
Bureaux et infirmerie auparavant situés en surplomb de la laverie et des trémies, ont déserté leur emplacement, repoussés plus loin par les nuages de poussière pénétrante et se sont réfugiés en contrebas au plus près de la route vers Sainte Barbe. Les anciens locaux restent vides et inexploités.
La ligne droite
Une fois passé tous ces grands bâtiments techniques (bascule, descenderie, laverie, trémies, etc …), et attaqué la route plus propre sous le téléphérique des stériles, la terre naturelle reprend peu à peu ses couleurs d'origine, et on peut ouvrir les fenêtres de la voiture sans craindre d'inhaler la poussière noire.
Timkkit en 2007: encore une circulation de camions venant de BouTazoult
Au dernier virage, avant de perdre de vue Timkkit, les contrastes sont saisissants entre la montagne tout de rose habillée, au pied de laquelle les « kasbahs » roses maculées du gris pulvérulent tranchent avec les dunes de minerai noir, tandis que la mosquée pointe son petit minaret vers le ciel immaculé, presque blanc de chaleur. Il y a de la fierté dans ce village qui résiste au vent, qui veut continuer à vivre de son travail, qui maintient une école. Le directeur et les instituteurs sont originaires de Bou Tazoult, et perpétuent la mission initiée par leurs anciens maîtres d'école.
Nous roulons sur le plateau, et plus loin on aborde le virage où Jean-Marie a passé une nuit, blessé, auprès de sa voiture accidentée. Quelques lauriers-roses cachés dans le ravin s'en souviennent. Encore quelques kilomètres pour croiser Assaoud, petit puits isolé devant lequel le gardien, autrefois, faisait sécher ses morceaux de viande au soleil en prévision de son pèlerinage à La Mecque. D'Assaoud au puits de Tighermit une grande ligne droite, vide, étroite, avant le virage délicat malheureusement bien connu des automobilistes et source d'accidents.
Là visiblement une activité se manifeste par la présence de véhicules en stationnement et de quelques individus en bleu de travail s'affairant autour de l'ascenseur. Un peu de bruit métallique : les serrures claquent, des berlines remontent à la surface, et un mineur les pousse sur les rails pour basculer leur contenu de l'autre côté de la cage.
Tighermit 2007: Bâtiments "décoiffés"
Certains bâtiments restent éventrés, les toits envolés. Il flotte une atmosphère bizarre d'activité au ralenti, bizarre quand on se remémore le grouillement des années 60, les bruits de machine, le claquement des portes grillagées, le sifflement des cages en mouvement, les roulements des berlines, le va-et-vient incessant des camions, les cris des ouvriers. Et ce pendant toute la journée, sur l'ensemble des postes. C'est maintenant le seul puits restant en activité, le reste est transformé en descenderies minuscules.
Berlines sur la voie de garage
J'ai là des souvenirs marquants de travail, dans les galeries, en compagnie des ouvriers, sous leurs ordres. Je profite de l'occasion pour les remercier tous des leçons qu'ils m'ont données en matière de courage, de solidarité, de partage. Avec eux j'ai découvert le monde souterrain du travail, de la sueur, de la peine, de la fatigue, du devoir. Au bout du compte une paie, destinée à subvenir aux besoins de leur famille, souvent nombreuse. Je leur témoigne beaucoup de reconnaissance, et je n'ai rien oublié des séances de thé et de pain partagé dans les galeries. Comme j'aimerais leur rendre toutes ces joies encore inscrites dans ma mémoire, et à jamais gravées. Grâce à eux je me suis forgé une personnalité qui m'a amené à créer et à m'investir dans diverses associations sportives ou syndicales, … et la roue tourne : les enfants continuent dans cette voie. Tout est-il issu du fond de ce puits ? Possible, l'adolescence est période de formation.
Tighermit, à l'inverse de Timkkit, reste propre. Pas de noirceur du paysage, pas de bâtiment salissant, pourtant le vent doit y souffler autant qu'ailleurs. Alors la mine, dans cet écrin, procure une impression vaguement écologique, d'autant qu'elle n'est accessible que par la cage. Un palmier rabougri tient compagnie à des feuillus squelettiques pour donner un peu de relief et d'humanité à ce paysage minier de l'Imini. Il y a quelques années un embryon de reconversion avait échoué malgré le lancement d'une usine de fabrication de sacs industriels pour le transport des marchandises.
Tighermit repeint et paysagé pourrait vite ressembler à un hameau isolé dans le désert, une oasis. Il y a certainement de l'eau en profondeur. Ses souterrains nous conduiraient par des passages secrets de Bou Tazoult vers Timkkit. Pourquoi pas un petit train touristique ne fonctionnant que les jours de pluie ? Gag.
Al Manar, le champignon
Après cette parenthèse fantastique, et moult photos du site, on se résout à regagner la voiture et continuer le périple. Nous croisons un camion venant de Bou Tazoult ou de la vallée du Tidili : il faut serrer sur la bas côté, parce que le ruban goudronné est étroit, parce que la route n'est pas neuve, et le bas-côté hasardeux. La route descend en pente douce, à peine « virageuse» vers le complexe sportif des années 50 : le stade de foot, avec le champignon rocheux en point de mire dans le lointain.
Que reste-t il du terrain où s'exprimaient balle au pied les sportifs iminiens ? Point de pelouse, mais il n'y en a jamais eu. Par contre les cailloux ont bien poussé, sans arrosage intensif, sans ramassage non plus. Pourquoi a-t on enlevé les cages, maintenant on ne sait plus où sont les limites du terrain ? Oui, c'est bien vrai, des champions ont joué là-dessus. Peut-être leur carrière s'en est-elle trouvée raccourcie à la suite des nombreuses blessures contractées dans des conditions pierreuses difficiles, à la suite de chutes. Les buteurs laissaient éclater leur joie, mais ne se jetaient pas en glissade sur le ventre sous peine de découpage abdominal au silex. Je me suis toujours demandé comment l'idée était venue de jouer au football dans cet environnement alors que dans les villages il y avait des étendues de terre. Plus tard, mais bien plus tard, des espaces de jeu ont connu le jour dans les différents villages.
L'équipe "corpo" |
Oh la vieille photo (année 196...) ! Sur le stade empierré, la photo d'avant-match, les footballeurs avec leur accompagnateur CAPEL (arbitre ?).
Les lignes sont tracées. Quelques spectateurs sont présents, bien calmes avant le coup d'envoi. De gauche à droite au premier rang : X, 8 IACHELLA, 7 VENTAJA ?, 6 N'HARI, Roudani FAIQ, SELOUAN, 5 BOUCHTA ; et au deuxième rang : TRAMOY Jean-Louis, BENTALEB Hassan, 1 PECORARO, 2 CARLINI, 3 TABOUZIT, 4 CAPEL. (Merci Cécile d'avoir interviewé Hassan BENTALEB et de nous avoir renseignés dans les commentaires- C'est super sympa !)
Quelle place tenait chaque joueur sur le terrain ? Je me hasarde à dire que TABOUZIT était goal? A cause de sa grande taille, de ses bras immenses, de sa gaieté permanente, de son profond sens de l'amitié. Contre qui jouaient-ils : Tiouine, Bou Azzer, Ouarzazate, … ?
On avance on avance, on avance … vers Bou Tazoult, sitôt le gué voisin passé et les petits virages empruntés jusqu'à la bergerie, au milieu des rigoles de terre où courrent les écureuils des sables, leur queue grise en panache, pas si farouches que ça.
Mais c'est une autre histoire, … contée au prochain épisode.
Merci à Jean-Yves pour cette visite guidée dans le présent, évocatrice d'un passé combien cher aux enfants d'Imini. Nous attendons avec impatience la suite du récit de cet itinéraire de redécouvertes. Merci aussi à l'ami FAIQ qui nous a permis d'ajouter le nom de M. Roudani sur la légende de la photo de l'équipe"corpo" et à J & JM qui ont ajouté d'autres noms.