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BOUTAZOULT IMINI TIMKKIT 2008
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3 avril 2008

JANINE & MARCEL RIVE 1951-1957

UNE INTERVIEW DE JANINE RIVE
IMINIENNE POUR TOUJOURS DEPUIS 1951

Rose214
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Assif n’Imini
: Bonjour Janine RIVE, en 1951 vous veniez de vous marier avec Marcel RIVE jeune ingénieur des mines, quand vous êtes arrivée à Boutazoult. Pouvez-vous nous décrire l'origine de votre installation à Imini ?
Janine RIVE : Quand vers la fin de son service militaire, au printemps 1951, Marcel RIVE mon mari (mon fiancé alors) m’a informée qu’il avait un rendez-vous avec le PDG de la SACEM (Société Chérifienne d’Exploitation minière) pour un poste éventuel aux mines de l’Imini, j’ai ouvert les yeux ronds et je suis allée avec lui me pencher sur une carte du Maroc ! Je n’en avais jamais entendu parler, même lors des cours de géologie où j’avais eu l’occasion d’étudier une carte des ressources minières du Maroc.

Assif n’Imini : Vous souvenez-vous du premier jour de votre arrivée  ?
Janine RIVE : A 3kms de la bifurcation qui part vers l’ouest au Km 119 de la route 31 Marrakech-Ouarzazate, après le passage à gué de l’Assif Imini (qui a donné son nom à la mine de manganèse) se trouvaient les services administratifs, la villa du directeur, la maison des hôtes, au lieu-dit Sainte-Barbe (patronne des mineurs) puis 12 km au de là Bou-Tazoult, le village européen, non loin du village marocain spécialement créé pour loger les mineurs et leurs familles, l’exploitation : extraction, laverie, ateliers, garages, etc…
Venant de mon cher Rabat si pimpant et agréable à habiter, c’était à cette époque… le bout du monde. Je suis arrivée là-bas un froid matin de Février (c’est tout de même à 1500 mètres d’altitude) par un temps splendide après une traversée de l’Atlas enchanteresse par ses paysages, ses couleurs et la beauté de ses petits villages en pisé accrochés aux pentes des montagnes.

Assif n’Imini : Est ce que vous saviez à l’avance ce que serait la vie à Imini ?
Janine RIVE : Entre la fin de son service national et notre mariage, mon mari y avait vécu quelques mois et m’avait loyalement renseignée sur ce qu’était le village, fait voir et commenté diverses photos. Mais tout de même ce fut un choc ! J’avais 19 ans, lui 23, c’était son premier poste d’ingénieur des mines et il était très enthousiaste. La mine, ouverte depuis une vingtaine d’années prenait vraiment essor ; le village était flambant neuf, la verdure encore inexistante, il y avait tout juste 80 à 90 européens. J’étais effarée me demandant à quoi j’allais m’occuper ! Notre mobilier est arrivé le lendemain ; il a fallu s’installer, repérer les ressources pour le ravitaillement, le boulanger et le boucher marocain, le souk, la « cantine » de la mine mal achalandée, rédiger une liste interminable d’achats à effectuer en ville, depuis la boîte de cirage jusqu’aux rideaux des fenêtres, apprendre un minimum de la langue berbère pour « marchander » et dialoguer avec la femme  de ménage et le jardinier.

Assif n’Imini : Le village était donc tout neuf en 1951 et il n’y avait pas d’arbre, qu’avez vous trouvé comme installations pour les habitants du village et quels travaux a-t-il fallu réaliser chez-vous dans un premier temps ?
Janine RIVE : La maison venait d’être construite pour nous, il fallait niveler, défricher pour aménager un jardin d’agrément et surtout absolument indispensable, un potager, implanter un poulailler pour y élever dans l’immédiat 3 ou 4 poules locales et avoir quelques œufs, capturer quelques pigeons sauvages en les « pêchant » littéralement dans les puits de recherche à la nuit tombée et les nourrir quelques temps pour améliorer la chère, en attendant le congé qui nous permettrait de descendre à Rabat et d’acheter au Zoo d’Aïn Sebaa, poules, canards, lapins de qualité.
On avait de l’eau à discrétion et le jardin poussait merveilleusement, les haies se formaient nous mettant bien chez nous, les jeunes arbres plantés grandissaient vite dans cette terre vierge qui ne demandait que de l’eau et … un peu de fumier de mouton, le seul dont nous pouvions disposer ; de nouvelles maisons s’élevaient, le village s’étoffait, il y avait une école, une chapelle et une piscine toutes deux sur le même promontoire côte à côte (pourquoi, alors qu’il y avait tant d’espace ?). Il y avait aussi une « salle des fêtes » où avait lieu le samedi soir une séance de cinéma, le luxe ! oui, mais… quand le chef du convoi de transport du minerai avait pensé à apporter le film !

Assif n’Imini : Comment avez-vous vécu vos premières années à Imini ?
Janine RIVE : Nous étions jeunes, pleins de fougues avec la vie devant nous, rien ne nous rebutait ! Et puis il y a eu la layette de notre fils aîné à confectionner. Lors de nos brèves incursions à Rabat, tous les deux mois à peu près, nos familles nous remettaient des journaux, des revues qu’elles « stockaient » pour nous, nous prêtaient des livres, des 33 tours car nous ne pouvions capter que Radio Maroc, et encore le soir tard, et les ondes ne passaient pas toujours !
Le paysage alentour était très beau : une infinité de tons verts, ocre, pourpre changeant avec la lumière selon les heures et les saisons. C’était une rupture totale avec notre manière de vivre précédente mais nous nous sommes vite habitués à cette vie un peu hors du temps et nous avons appris à aimer cette région du sud dont nous avons gardé un merveilleux souvenir. Le dimanche il y avait quelquefois les sorties avec l’un des 4X4 de la mine, les excursions dans les endroits les plus reculés de la montagne, les parties de boules de neige au col du Tichka l’hiver, les rencontres avec les familles des ouvriers (ils étaient tous de la région), le passage à gué des oueds où il fallu pousser plus d’une fois pour se dégager. Nous y avons noué de solides amitiés tant chez les européens que les marocains, des marocains que j’ai revu encore l’an dernier, ou plutôt leurs enfants, des bébés que l’on me mettait dans les bras à la naissance quand nous leur portions un petit cadeau et qui sont aujourd’hui grands-parents.

Assif n’Imini : Vos enfants sont nés à Iminis ?
Janine RIVE : J’étais descendue à Rabat pour la naissance de mon fils en 1952, mais ma fille est née en 1954 à Imini. Du fait de l’accroissement de la population, la société minière avait recruté un médecin, duquel nous étions les voisins immédiats. Ma fille est une Iminienne et c’est madame Yvonne Wittver la femme de Monsieur Jeannot qui m’a aidée à cette occasion. Nous sommes toujours restées amies malgré notre départ d’Imini en 1957 et toutes ces années passées dans des régions différentes. En ce début d’année 2008 , M. et Mme Wittver sont venus s’installer à quelques kilomètres de chez moi ; je n’aurais jamais pensé qu’un jour cela puisse nous arriver.

Assif n’Imini : Vous êtes retournée à Imini en touriste ?
Janine RIVE : Oui j’y suis retournée une fois encore l’an passé (2006) avec ma fille Geneviève, seules hélas puisque Marcel n’est plus. Surprise à l’hôtel, à Marrakech, du réceptionniste au vu de son passeport « née à Imini-Maroc » : il n’en revenait pas et lui répétait : « Tu es née à Imini là-haut ? » en montrant la direction de l’Atlas ! Il en a informé tout le personnel et tous sont venus nous saluer !
Cela faisait près de vingt ans que je n’avais pas revu Imini. Lorsque j’y étais revenu en 1987 je n’avais pas trouvé trop de changements, mais l’an dernier ce fut autre chose ! Ce n’est plus le bout du monde avec la vague de touristes qui s’est abattue sur la région et pour cela a perdu son charme ! Mais à Imini point de touristes. La mine est là toujours propriété de la SACEM et tourne encore, mais l’exploitation s’est déplacée et les habitations aussi ; c’est les larmes aux yeux et le cœur brisé que j’ai revu l’ancien village où j’ai vécu si heureuse plusieurs années, abandonné, menaçant ruine ; les fenêtres sont condamnées, les portes murées, la piscine est éventrée, les cabines de bains plus que délabrées, plus de jardins, desséchés les jardins ; seule la chapelle reste fière sur son promontoire avec sa cloche et sa croix ; l’entrée est murée là aussi, mais il y avait un large interstice et en tirant quelques moellons épars pour monter dessu, nous avons pu nous hisser et j’ai revu avec émotion les fresques du chœur encore fraîches. Oh, la tristesse d’un village abandonné, nous n’avons pas vu âme qui vive, pas un être humain, un animal, un oiseau, pas même un lézard ou même un scorpion !
J’en suis repartie heureuse d’y avoir menée ma fille et de l’avoir intéressée et passionnée, de lui avoir donné l’envie de tout voir mais pleine de mélancolie au souvenir de ce que c’était. Cher Maroc, cher Imini !   

Assif n’Imini : Viendrez vous à la rencontre du mois d’août 2008 à Imini ?
Janine RIVE : J’aime passionnément Imini et le Maroc, mais pour une personne âgée comme moi dont la santé est altérée, le mois d’août ne me convient pas du tout à cause de la chaleur.

Cet interview a été passé partiellement par téléphone et pour une autre part utilise avec son autorisation un témoignage écrit par Janine RIVE en 2006. N’hésitez pas à poser vos questions, vos souvenirs et vos commentaires concernant les RIVE et les WITTVER. Les SABATOUS les leur transmettrons.

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